23 avril 2024

Quelle opportunité pour une Agroécologie saharienne ?

Quelle opportunité pour une Agroécologie saharienne ?

Une bonne partie du Sahara peut prospérer par la création de centaines d’oasis, qui mettront peut etre une dizaine d’années pour naître, mais qui dureront des centaines d’années! C’est cela l’agriculture durable, qui devrait être soutenue par l’Etat algérien !
Cet article a pour but de réfléchir : « quel modèle agricole choisissons-nous pour notre Sud saharien ? pour quel modèle de consommation ? » en particulier pour ce qui concerne la production laitière.

Comme chacun le sait, l’Algérie est l’un des plus gros importateurs de poudre de lait au monde, de même pour les céréales et les aliments de bétail (essentiellement le maïs et le soja), ce qui nous amène à une facture alimentaire de l’ordre de 10 milliards de dollars annuellement.
Pour faire face à cette situation qui devient gravissime, des politiques publiques ont été mises en place pour favoriser la production nationale. Le bilan, même s’il a connu des avancées notables, n’est pas en mesure de renverser la vapeur, loin de là (démographie et changement de mode de consommation oblige) !
C’est pourquoi, les initiatives de production fourragère dans le grand Sud semblent à priori les bienvenues, pour combler ce déficit de production.
Sauf que les méga-projets démesurés au Sud-ouest du pays (El Bayadh, Adrar…) projetant des élevages de 20 000 vaches semblent dépasser l’entendement, et nous nous devons de réfléchir sur l’opportunité de tels projets pharaoniques agro-industriels, qui risquent de défigurer une région d’Algérie, sa nappe phréatique … comme ils l’ont fait dans d’autres pays où ces projets ont été abandonnés parce que couteux et non durables. En effet, les sur-coûts sont multiformes :
1. L’eau, le potentiel du barrage de Benzina peut etre mieux rentabilisé. Les nappes souterraines doivent etre extraites par l’énergie électrique, se trouve sur-tarifée, ce qui induit un coût supplémentaire pour l’exploitant.
Remarque : L’agroécologie est pour l’irrigation au goutte à goutte (sous paille ou BRF) pour utiliser moins d’eau
2. La facture des engrais chimiques: le sol sableux facilement lessivé et la pauvreté des sols implique un apport continu en fertilisants chimiques pour développer des cultures et augmenter le rendement à l’hectare. Un rendement de 20 qx/ha en blé tendre n’est économiquement pas rentable, même s’il est deux fois supérieur à celui obtenu dans le Nord du pays.
Remarque : L’agroécologie est basée sur une fertilisation durable à base de compost, qu’on peut facilement obtenir avec des palmes de palmier broyés et autres fumiers compostés.
3. les distances qui séparent les pôles de mise en valeur et les grands marchés de consommation du Nord (Oran et Alger sont à 1500 km) sont à l’origine de surcoûts de transport.
Remarque : L’agroécologie est pour une utilisation et une vente locale des produits
Remarque : En agroécologie, très peu de matériel est requis étant donné que les fermes sont à taille humaine (moins de 10 hectares)
4. Drainage : irriguer avec cette quantité phénoménale d’eau accélère le phénomène de salinisation des sols par remontée de sel (par manque de drainage), ce qui a amené des agriculteurs à déplacer les rampe-pivots tous les cinq ans.
5. Perte de la biodiversité et du couvert végétal qui risque d’aggraver la desertification
Remarque : L’agroécologie est pour la sauvegarde d’un maximum de biodiversité, qui a toute sa place dans le système oasien.
La base de l’agroforesterie saharienne a toujours été le palmier-dattier, sous lequel d’autres arbres fruitiers peuvent vivre, à l’image du figuier, olivier, grenadier et autres catégories d’arbres d’origine saharienne. Entre les arbres, tous types de maraichage et de petite céréaliculture est possible!
Ainsi, une bonne partie du Sahara peut prospérer avec la création de centaines d’oasis, qui mettront peut etre une dizaine d’années pour naitre, mais qui dureront des centaines d’années. C’est cela l’agriculture durable !
Pour de nombreux agronomes, s’il doit y avoir une agriculture saharienne, elle doit être avant tout oasienne, c’est à dire à l’ombre des palmiers dattiers.
De toute façon, on ne pourra en aucun cas empêcher l’installation de telles mega-fermes « privées ». elles fourniront un lait de piètre qualité et peu rentable au nord du pays.
Le consommateur averti que nous appelons de tous nos vœux n’en consommera peu ou pas et fera en sorte de consommer plus de légumes, fruits et céréales complètes pauvres en gluten !
Rahal Karim
Président du Collectif Torba
Professeur à l’Institut des sciences vétérinaires
Université de Blida 1
 
A propos de limiter notre consommation de lait de vache:
Si le lait a l’image d’un aliment pur et bon pour la santé, sa consommation est pourtant largement remise en question depuis quelques années. En effet, selon de nombreux scientifiques*, consommer trop de produits laitiers aurait des conséquences néfastes sur notre santé. Pourquoi ?
Nous sommes les seuls mammifères à boire le lait d’une autre espèce, qui plus est à l’âge adulte et en de si grandes quantités. Ainsi, les facteurs de croissance présents dans le lait de vache ne sont pas adaptés à l’homme, puisqu’ils sont destinés à nourrir un veau qui va prendre 1 kilo/jour. Si, du temps de nos grands-parents, le fait de faire bouillir le lait avant de le consommer permettait de retirer ces facteurs de croissance, les méthodes de stérilisation industrielle d’aujourd’hui (UHT) ne font que détruire les germes, laissant ainsi des hormones dans les produits laitiers que nous consommons. Le problème étant que celles-ci augmentent les risques de cancer du sein et de la prostate de 25 à 30%.
Par ailleurs, il est intéressant de noter que les pays dans lesquels on trouve le plus de cas d’ostéoporose sont les pays dans lesquels on consomme le plus de produits laitiers. Ce qui peut paraître paradoxal s’explique en réalité simplement : notre système digestif ne peut absorber que 40% du calcium animal, tandis qu’il peut absorber 75% du calcium végétal. Il est donc important de privilégier les sources de calcium végétal (légumineuses, fruits, fruits secs) et de diminuer celles de calcium animal, car ce dernier ne suffit pas à prévenir l’ostéoporose. Le lait est aussi mis en cause dans les cas d’inflammations articulaires et d’arthrose, et de nombreux chercheurs estiment qu’en supprimant les produits laitiers et en mangeant moins de viande rouge, la douleur articulaire peut être largement diminuée.
*voir notamment les études du professeur Joyeux.
 

3 thoughts on “Quelle opportunité pour une Agroécologie saharienne ?

  1. Merci Karim pour cet article important à plus d’un titre. L’agroécologie algérienne que nous appelons de tous nos vœux est la meilleure façon de nourrir le peuple. Comme tu le sais, à Cuba l’agroécologie produit 65 % de l’alimentation du pays, alors qu’elle ne couvre que 25 % des terres agricoles. Cette prouesse n’a été possible que parce que le pays a subit de plein fouet une diminution drastique des ressources financières et énergétiques suite à la chute de son principal partenaire l’ex.URSS. C’est le seul pays au monde où l’agriculture conventionnelle a quasiment été remplacée et à grande échelle par une agriculture plus respectueuse des écosystèmes naturels et quasiment sans intrants chimiques.
    En Algérie, nous avons des problèmes de riches alors que nous sommes dépendants de l’extérieur pour nous nourrir. Une des solutions est l’éducation citoyenne afin de créer les meilleures conditions pour que l’algérien retrouve confiance en lui-même et en sa terre.

  2. Bonsoir,
    Saha ftourkoum
    Je vous remercie pour toutes les informations.
    Effectivement, la seule manière d’aller vers un développement durable dans le sahara, c’est la mise place du palmier dattier et donc l’installation d’oasis avec l’ensemble des cultures sous palmier (arboriculture fruitière, cultures herbacées). Le palmier dattier jouant le rôle de parasol.
    Bonne soirée.
    Pr. Abdelguerfi Aissa

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